PAR MOHAMED HAMDAOUI
Depuis l’âge de 8 ans, cette Biennoise a une passion pour les bijoux. Dès le 1er novembre, elle exposera sa nouvelle collection et vingt cyanotypies à la galerie «Ruelle8» dans la vieille ville de Bienne.
Une petite officine discrète à la rue Haute: «L’Atelier Solstice». «Il tient en partie son nom au fait que je suis née un 21 juin!» C’est là que depuis deux ans Nadia Delprete crée et répare des bagues, des colliers, des bracelets et des pendentifs. «Jusqu’à l’âge de 15 ans, j’ai vécu dans cette rue! Un joli clin d’oeil du destin!» Quoi de plus naturel pour cette femme de 55 ans qui éprouve au quotidien le besoin de se sentir «connectée»? Connectée aux humains, à la terre, au ciel et aux émotions. «J’en ai besoin pour travailler et créer.»
Kurt Schürer.
À l’âge de 8 ans, elle avait acquis la vocation de devenir bijoutière. «L’atelier Kurt Schürer, situé à la rue de la gare de Bienne, m’avait ouvert ses portes pour découvrir ce métier. Ce fut une révélation!». À la fin de sa scolarité, elle avait donc suivi cette filière au sein de l’École des arts appliqués, tout en suivant bien plus tard une formation de thérapeute énergéticienne. Elle s’installe à La Chaux-de-Fonds où elle ouvre son premier atelier de bijoutière, avant de revenir à Bienne, sa «ville de cœur». Un bruit discret se fait entendre à l’extérieur de la boutique. Une jeune femme entre et sort quelques bijoux de son sac. «Ils n’ont pas une grande valeur matérielle mais ils me tiennent à cœur. Pouvez-vous les réparer?» Nadia Delprete s’empare de grosses lunettes bleues lui servant de loupe, examine les pendentifs et les petites bagues. Le verdict tombe: «Bien sûr que je peux les réparer!», dit-elle dans un dialecte alémanique impeccable. D’autres clientes et clients ont l’habitude de s’adresser à elles après avoir découvert son travail sur Internet (atelier-solstice.ch)
Ode à l’artisanat.
Dans son travail, la fille de l’artistepeintre et plasticien biennois Michel Delprete, décédé il y a un an, éprouve en permanence le besoin de se «sentir connectée». Dans ses toiles, des cyanotypies qu’elle définit ainsi: «Mes cyanotypies sont une démarche créative et expérimentale où chaque image est une découverte unique». Mais aussi dans sa nouvelle collection de bijoux inspirés notamment par les plantes découvertes dans le luxurieux jardin de son compagnon. Des feuilles de bambous l’ont par exemple inspirée à réaliser des bijoux «en utilisant des techniques ancestrales de la forge et de la fonte». Elle parvient ainsi à reproduire à la perfection dans ses bijoux en argent les ridules délicates et complexes de cette plante. «Mon travail artisanal, celui de la bijouterie, m’a placée à contre-courant de la tendance actuelle. C’est un métier qui exige de la profondeur, du temps et de la réflexion. Or la tendance actuelle privilégie l’accélération et la rentabilité immédiate à tout prix.» Car au-delà de sa démarche artistique, Nadia Delprete aimerait aussi revaloriser certaines valeurs artisanes. «En France, par exemple, le savoir-faire des ‘Compagnons du devoir’ (ndlr: une association faisant la promotion de l’apprentissage auprès des jeunes) est protégé, valorisé et récompensé. Or ici en Suisse, nous assistons à une restructuration des écoles qui sacrifie l’artistique au profit de la gestion et de l’économie. La connaissance intellectuelle est privilégiée au détriment de la pratique en atelier, qui est pourtant aussi une forme d’intelligence.» Assise devant son établi installé dans une cave, Nadia Delprete rayonne en décrivant sa démarche artisanale et artistique: «Mes réalisations sont un pont entre le visible et l’invisible, où l’inspiration rejoint la matière, unissant le Ciel et la Terre». Un long chemin…